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Les nouvelles sanctions du greenwashing

D’élément de langage activiste à infraction sanctionnable.

Le greenwashing est une pratique qui consiste à faire des déclarations trompeuses ou pouvant porter à confusion au sujet de l’impact environnemental d’un produit, d’une marque, d’une activité économique. Un rapport de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) publié en février 2022 explique que le consommateur, ainsi rassuré, consomme d’autant plus qu’il croit comprendre que ce choix est « bon pour la planète » (1). Les déclarations erronées, ou trompeuses, permettent donc à celui qui les fait de réaliser un profit acquis de mauvaise foi.

Cet article présente des initiatives juridiques françaises et européennes qui ont pour but de sanctionner l’écoblanchiment, ainsi que des affaires récentes illustrant le risque de sanctions effectif auquel font désormais face les entreprises.

La lutte contre le blanchiment illustre comment différents acteurs se saisissent de la transition écologique. Tandis que les gouvernements cherchent à protéger les consommateurs, les associations de consommateurs ou à objet environnemental utilisent tous les moyens à leur disposition pour inciter les entreprises à communiquer de manière fiable. Quant à celles-ci, elles se saisissent de la thématique, en partie par nécessité, tout en y décelant une opportunité marketing. En matière d’impact environnemental, on ne peut plus tout dire !

I. Les nouvelles sanctions de l’écoblanchiment

En France et au niveau de l’Union Européenne, la sanction du greenwashing est engagé désormais au niveau de textes de loi, et inclut dans l’arsenal de textes visant à protéger le consommateur dans le Marché commun européen.

La « Loi Climat » de 2021 (2) a créé deux « outils » permettant de lutter en France contre le greenwashing publicitaire :

  • Dans le Code de la consommation, est désormais considérée comme pratique commerciale trompeuse toute pratique commerciale reposant sur des allégations de nature à induire en erreur portant sur les caractéristiques essentielles d’un bien ou service et notamment son impact environnemental ainsi que sur les engagements de l’annonceur en matière environnemental (3).

Il s’agit d’un délit. Aux sanctions existantes, la Loi Climat ajoute que l’amende peut être comprise entre 300 000€ et un montant représentant 80% des dépenses engagées pour la réalisation de la pratique commerciale trompeuse relative à l’environnement, contre 50% pour les autres pratiques délictueuses (4) ;

  • Dans le Code l’environnement, les allégations environnementales, c’est-à-dire le fait d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone sans informations précises (bilan d’émission de GES, démarche préventive, modalités de compensation) sont désormais interdites. L’amende administrative est comprise, pour une entreprise, entre 100 000€ et la totalité des dépenses consacrées à la communication trompeuse (4).

A l’échelle européenne, on peut souligner deux initiatives récentes :

  • En matière d’informations extra-financières à destination d’investisseurs et du public, le Règlement « Taxinomie » (5) a également pour objectif de réduire le risque d’écoblanchiment en fournissant des critères communs de classification des activités économiques durables éligibles ;
  • En matière de protection des consommateurs, la Commission a adopté un projet de directive en mars 2022 afin d’endiguer l’écoblanchiment et l’obsolescence programmée (6). Cette directive vise à modifier la directive sur les pratiques déloyales de 2005 (7) en y ajoutant « l’allégation environnementale » (green claim) en tant que pratique commerciale réputée trompeuse (8).

L’intérêt des textes européens est qu’ils permettent une harmonisation juridique au niveau de tous les Etats Membres et ainsi des comportements de consommation plus éclairés et durables. En effet, le dérèglement climatique n’est pas un sujet pouvant être résolu seulement à l’échelle nationale.

Ces préoccupations se matérialisent également dans la sphère contentieuse, où les entreprises sont défiées par les autorités administratives, et surtout par les associations (ou « ONG ») qui remettent en question un certain modèle de communication liée à l’environnement.

II. Contentieux récents de l’écoblanchiment

Le contentieux relatif à une communication environnementale est un retour de bâtons désagréable pour l’entreprise. La nouvelle en est rapidement diffusée, d’autant plus que les associations accompagnent leurs actions de communiqués de presse. Peu importe l’issue de la procédure, qui peut arriver après deux ou trois ans, le bad buzz est quasiment inévitable. L’analyse des cas récents et futurs donnera une idée des lignes rouges à ne pas franchir pour éviter un litige.

Une campagne commerciale de la banque HSBC datant de 2021 a fait l’objet de critiques de l’autorité administrative britannique en charge de fixer des normes de la publicité (Advertising Standards Authority, « ASA »). L’ASA a considéré que la publicité réalisée par HSBC pouvait faire croire aux consommateurs que la banque avait un impact globalement positif sur l’environnement. Pourtant, HSBC contribue encore de manière substantielle au financement des énergies fossiles, et ne fait pas partie des institutions financières ayant choisi de « décarboner » le plus rapidement ses activités (9).

En France, TotalEnergies a été assigné en mars 2022 devant le tribunal judiciaire pour « pratiques commerciales trompeuses » visant notamment la campagne publicitaire ayant accompagné le changement d’identité de la société (10 ; 11). Les demandeurs sont trois associations actives dans le domaine de l’environnement (12). L’issue de cette procédure menée devant le tribunal judiciaire de Paris pourra informer les entreprises sur le degré de liberté d’expression qu’elles peuvent se permettre dans leur communication auprès des consommateurs.

Mise à jour janvier 2023 : le parquet de Paris a annoncé que TotalEnergies est visée par une enquête pour « pratiques commerciales trompeuses » depuis décembre 2021 suite à la plainte au pénal d’octobre 2020 de trois associations (Wild Legal, Sea Sheperd France et Darwin Climax Coalitions), notamment en ce qui concerne la pollution de l’air.

Le délit de pratiques commerciales trompeuses avait été utilisé, sans succès, par des associations qui avaient porté plainte contre Samsung France en 2018, en matière de droits humains. En mars 2022, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel qui avait déclaré l’action des associations irrecevables, tout en annulant la mise en examen de la société (13). Se posent donc la question de l’intérêt à agir des personnes qui chercheront à faire sanctionner les entreprises pour leur écoblanchiment allégué.

Si toutes les actions menées par des associations n’aboutiront pas forcément, l’existence de textes de loi et la preuve de la vigilance accrue des autorités doivent inciter toutes les entreprises cherchant à communiquer sur leur impact environnemental à la prudence et à la bonne foi.

Sources

  1. « Utilisation de l’argument de ‘neutralité carbone’ dans les communications – Les recommandations de l’ADEME », février 2022, p.7, [en ligne].
  2. Loi n°2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
  3. Article L121-2, 2°b) et e) du Code de la consommation
  4. Articles L132-1 et L132-2 de la Code de la consommation.
  5. Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 [en ligne].
  6.  Projet de Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations.
  7. Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur [en ligne].
  8. Le projet de directive envisage trois pratiques : l’allégation environnementale, l’allégation environnementale explicite et l’allégation environnementale générique.
  9. S. Morris, « HSBC faces greenwashing accusations from UK advertising watchdog”, 29 avril 2022, Financial Times, [en ligne].
  10. L. de Briant, « Y a t-il des précédents à la plainte contre TotalEnergies pour ‘pratiques commercials trompeuses’ », 7 mars 2022, L’Usine Nouvelle, [en ligne].
  11. M. Fabre Soundron, « Neutralité carbone : TotalEnergies accusé de ‘greenwashing’ et de ‘pratiques commerciales trompeuses’ », 3 mars 2022, Novethic, [en ligne].
  12. Les Amis de la Terre, Greenpeace, Notre Affaire à tous.
  13. France 24, « Droits humains en Chine: fin des poursuites contre Samsung pour « pratiques commerciales trompeuses », 30 mars 2022, [en ligne].